Orange l’a compris. Telcos, envisagez des licences bancaires !

par | 18 Juil 2017 | Veille | 0 commentaires

[ICT Media STRATEGIES] – Il y a trois ans, je publiais une tribune dans le magazine Reseau Telecom Network, édition N°71 de mai 2014, invitant les opérateurs de téléphonie mobile exerçant en Afrique à envisager l’acquisition des licences bancaires. Dans deux semaines environ, le groupe Orange va lancer les services d’Orange Bank.

En octobre 2016, Orange a en effet acquis 65% du capital de Groupama Banque en Francese diversifiant ainsi dans la banque en ligne en transformant Groupama Banque en Orange Bank. Une banque qui sera 100% mobile et presque 100% gratuite, car des frais de tenue de compte de cinq euros par mois seront facturés uniquement si le client réalise moins de trois retraits ou paiements (par carte ou par mobile) par mois, afin d’éviter les coûts de comptes inactifs. Tous les services bancaires seront proposés. Et à moyen terme, ses abonnés pourront bénéficier des services comme le crédit à la consommation, l’assurance et les prêts immobiliers.

D’après le PDG d’Orange, Stéphane Richard, le groupe s’est donné trois ans pour conquérir deux millions de clients et même plus. Dans les plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires que l’opérateur envisage de réaliser dans les services financiers en 2018, devinez quoi,  la moitié est attendue de l’Afrique et l’autre moitié de l’Europe (Orange Bank sera également lancée en Espagne et en Belgique, en plus de la France).

Même si Bruno Metlling, le PDG du holding du groupe pour l’Afrique et le Moyen Orient, indique que l’objectif d’Orange à court terme n’est pas de faire pareil en lançant une banque en Afrique, on voit bien que dans la stratégie globale de l’opérateur, la moitié du chiffre d’affaires d’Orange Bank est attendue de l’Afrique.

La suspension comme catalyseur ?

L’interdiction des transferts internationaux d’argent de la France vers Afrique de l’Ouest à travers son service Orange Money dans lequel l’opérateur excelle sur le continent va sans doute renforcer la volonté du groupe d’avoir rapidement (rachat probablement) une banque en Afrique. Car la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest qui a sommé le groupe Orange de suspendre ces transferts internationaux il y a quelques mois lui a rappelé que les transferts internationaux d’argent sont réservés uniquement aux banques et non aux établissements émetteurs de monnaie électroniques comme Orange. Les enjeux étant énormes, Orange n’envisage pas de lâcher le morceau.

En plus, en vue de renforcer sa filiale Orange Business Services et dans l’objectif de proposer des offres compétitives à ses clients, le groupe compte racheter 67% du capital de Business & Decision, un spécialiste de la data, du digital, de la Business Intelligence et de la gestion de la relation client.

Pourquoi ? Je pense qu’un élément peut nous permettre de comprendre. Avec Orange Bank, le groupe Orange va forcément offrir à ses abonnés des offres combinant services bancaires et services mobiles. L’acquisition de Business & Decision permettra au groupe non seulement de renforcer ses compétences dans l’analyse de données des habitudes de consommation de ses abonnés, mais également lui permettra de s’ouvrir davantage au monde et en Afrique en particulier. Le groupe Orange se donne ainsi progressivement les moyens pour répondre efficacement aux besoins des utilisateurs et confirmer sa présence au niveau mondial.

Les autres telcos opérant en Afrique dans le segment d’Orange gagneraient à suivre le pas. Pour ne pas être surpris dans quelques années. Si ce n’est déjà le cas. Je vous propose à nouveau ma tribune écrite en mai 2013 et publiée dans RTN. Dans le cadre de Perspectives. (Voir plus bas)

Par Beaugas Orain DJOYUM


Telcos, envisagez des licences bancaires !

Le Kenya est un pays important en Afrique en matière des TIC et des télécoms. L’évolution de ces secteurs et notamment la veille technologique dans ce pays devrait intéresser plusieurs entreprises africaines spécialisées dans ces secteurs. Le m-Pesa, le service de paiement mobile de Safaricom (filiale kényane du Britannique Vodafone), ayant franchi la barre de 17 millions d’utilisateurs en avril 2013 n’a-t-il pas inspiré des dizaines d’opérateurs mobiles en Afrique dans le paiement mobile ? Ce service n’a-t-il pas débarqué en Europe pour la première fois en mars 2013 via la Roumanie par le biais de Vodafone ? En sept ans d’existence, le m-Pesa n’a-t-il pas atteint 93 273 000 000 de shillings kényans de dépôts et 84 882 000 000 de shillings kényans de transferts ?

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C’est pourquoi il importe de s’appesantir quelque peu sur l’annonce faite en avril 2014 par Equity Bank, la première banque kényane en termes de dépôts, de solliciter une licence d’opérateur mobile. Plus particulièrement d’Opérateur mobile virtuel (MVNO). Objectif déclaré de la banque, se lancer dans le paiement mobile contrôlé par Safaricom. « Dans un avenir pas trop lointain, nous lancerons une entreprise de télécommunications. Ce sera une belle affaire », prévenait le DG de la banque, James Mwangi, il y a quelques semaines, expliquant que les futurs services de mobile banking d’Equity Bank s’appuieront sur une base de clientèle existante (2,9 millions de personnes) utilisant déjà le service de transfert d’argent via téléphone portable. Plus encore, Equity Bank serait intéressé par le rachat de yuMobile.

La décision d’accorder la licence mobile à la banque revient donc au régulateur CCK qui devrait bientôt se prononcer. Une annonce majeure, car la concurrence dans le paiement mobile au Kenya s’annonce donc plus rude. Elle l’est déjà. Equity Bank s’est lancé dans le paiement électronique grand public via BebaPay, une carte de paiement qui facilite le paiement des trajets en bus au Kenya.

Pour cela, il a noué un partenariat avec le géant américain Google, avec qui il offre ce service depuis avril 2013. BebaPay est également disponible sous Android, ce qui fait que les utilisateurs de smartphones peuvent aussi utiliser leurs terminaux mobiles pour effectuer des paiements à travers la technologie NFC. Google affirme d’ailleurs que dans l’avenir, Equity Bank va développer plus largement BebaPay, pour le paiement des services autres que le transport. C’est donc un concurrent de poids qui s’annonce pour Safaricom. Car Safaricom a également un service similaire, Lipa Na MPESA, qui permet aux commerçants de divers secteurs de recevoir des paiements de biens et de services par l’intermédiaire du m-Pesa.

Offrir des cartes bancaires

L’expérience d’Equity Bank pourrait donc inspirer d’autres banques, qui, au lieu de nouer des partenariats avec les opérateurs mobiles comme d’habitude, pourront simplement choisir de devenir elles-mêmes opérateur mobile afin de mieux proposer les services de paiement mobile taillés sur mesure. Il s’agira pour elles de reconquérir un terrain qu’elles ont désespérément perdu face à la percée du mobile et à l’ingéniosité des opérateurs télécoms.

Comment les opérateurs pourront-ils faire face à cette percée des banquiers dans le mobile paiement ? A mon avis, en sollicitant des agréments pour offrir les services bancaires, tout comme les banquiers sollicitent des licences mobiles. Les grands groupes de télécommunications comme MTN, Airtel ou encore Safaricom devraient envisager cette option. Ce ne serait pas d’ailleurs une nouveauté, car au Canada, Rogers Communications, le leader de la téléphonie mobile en termes d’abonnés (près de 9,5 millions d’abonnés fin 2013) a obtenu en septembre 2013 le go ahead de l’OSFI, le régulateur bancaire, pour offrir à partir de cette année 2014 des cartes de crédit. Une licence bancaire accordée après deux ans de négociation.

Pour sa phase pilote, Rogers compte offrir des cartes de crédit en plastique à ses abonnés triés sur le volet avant la vulgarisation du produit au large public. Imaginez combien d’abonnés pourraient souscrire s’ils recevaient chacun un SMS de Rogers indiquant : « Vous avez été présélectionné pour obtenir une carte de crédit Rogers. Répondez OUI à ce numéro et votre carte vous sera envoyée » !

La monétique prend progressivement son envol en Afrique et les telcos peuvent tirer leur épingle du jeu. Au football, certains experts disent que la meilleure défense, c’est l’attaque. Les opérateurs télécoms peuvent donc dès lors prospecter dans le domaine bancaire. Pour assurer leurs acquis : le paiement mobile.

Par Beaugas Orain DJOYUM

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